on est dans le salon, mais le salon est plus grand que notre salon réel, on danse, on ? on est quelques-uns, quelques-unes, et surtout, très vite on est deux S et moi, c’est bien S, la compagne de J, et nous sommes plutôt heureux de nous retrouver à danser ensemble
l’abrazo ne ressemble pas à l’abrazo de S, elle s’appuie davantage sur ma tête, mais elle danse bien
je m’aventure à une danse plus libre et plus « fougueuse : je prends plus d’espace et clairement, elle part, ses pieds partent dans une autre direction que les miens, j’ai, je me suis vraiment trompé, je veux dire mon interprétation de ses appuis était complètement erronée, on a failli se vautrer, mais non
je m’excuse
s’ensuit comme un échange après la danse, elle est du même calme et de la même bienveillance que ce que je lui connais dans la vie réelle, et elle parle de ma façon approximative de gérer les temps, la mesure dans la musique, bref, je ne compte pas, et je pars ou finis un mouvement sur n’importe quel temps, je reconnais la rigueur de J., de l’allemand, dans ce qu’elle dit
bref nous nous retrouvons dans la voiture, nous sommes place Saint Hilaire, je crois, au sortir de la rue Saint-Hilaire
pour je ne sais quelle raison, elle doit sortir (place saint Hilaire, c’est à proximité de notre espace de pratique de tango du mercredi, avant le covid, les confinements, le couvre-feu, etc) et je dois l’attendre
pour dire au plus juste : nous repartons, je roule sur les boulevards, sauf qu’en fait je me rends compte que j’ai oublié S, la place du passager est vide, je me rends compte que je l’ai oubliée, je prends mon téléphone, mon intention est de l’appeler et de lui dire que je rejoins la place, l’endroit où je l’ai laissée
je n’ai pas encore appelé qu’arrive à ma hauteur, en scooter je crois, une jeune femme, à peu près de l’âge de J et P (que nous accueillons pour le week-end), une jeune femme « indépendante », « détendue », « simple », « déterminée », elle est châtain, elle a peut-être des taches de rousseur, de taille moyenne, vêtue peut-être d’un jean et d’un pull, bref elle me regarde fixement, et longuement, elle a la tête tournée vers moi, elle sur son scoot moi au volant de ma voiture avec mon portable dans la main
son regard et son attitude insistante me font penser qu’il s’agit peut-être d’une prostituée, en tout cas je ne réagis aucunement à sa sollicitation si c’est une sollicitation et m’applique à composer le numéro de S
un peu plus loin, je l’entrevois, cette jeune femme, assise sur des marches avec son compagnon, elle parle vivement, ils semblent être dans une « scène » de jeune couple
je suis toujours dans la voiture, portable en main
sauf que, sans doute, je me réveille, et je n’irai pas rechercher S
le réveil en quelque sorte fait partie du rêve
je repense à la série « En thérapie » dont on a vu quelques épisodes ces derniers jours
je réfléchis à la théorie freudienne du rêve, à la géniale invention de « l’inconscient »
aux formes modernes d’appropriation du sujet par la théorie de ce qui lui échappe
on dit « mon rêve », « ton rêve » quand rien ne permet d’attribuer de telles places fixes
« ça rêve » dans la tête d’un homme ou d’une femme qui dort
Cette évidence indique que tout échappe au rêveur, à la rêveuse, alors même que l’interprétation va se cultiver chez le sorcier, l’analyste
ce sont des jeux de place très amusants de guidance, de « guidanse », art de guider et d’être guidé.e
les contenus de rêve sont faits pour servir de combustible au tout-venant, à celui, à celle, à ce qui passe à proximité
offrir un rêve à l’interprétation et une interprétation à un rêve est un acte de séduction, dans lequel on s’amuse à croire ou faire croire que l’autre me détient et que je suis détenu par l’autre, rêve et veille s’échangent leurs qualités, leurs statuts, leurs auteur.e.s
le rêve et son interprète…
les rêves se prêtent à autre chose qu’à l’interprétation