mercredi 18 novembre 2020
l’exception femme confirme la règle masculine
Rabia confirme l’islam
l’exception confirme la règle du désir
c’est ça aussi Rabia : le confort que je trouve
je ne sors pas de ma bulle dieu, car dieu, ma foi, ou mon champ de représentation font la bulle, l’oxygène dont j’ai besoin
je suis seul et j’ai besoin d’air
mon intérêt pour les autres, pour cette femme d’exception est un intérêt égotique, manger, vivre au sens de me maintenir en vie suppose que j’organise l’autre dont j’ai besoin, l’autre vivant que je dévore ou que j’exploite, que j’engage pour subvenir à mes besoins
champ relationnel pris dans le goulot de la survie
mais est-ce que je serais capable de percevoir une vie dont je n’aurais pas besoin et qui n’aurait pas besoin de moi ?
amour, tout d’un coup, semble une expression étriquée, aussi resserrée que le goulot du besoin de l’autre
au mieux une expression déboucheuse : quand nos goulots se sont bouchés, nos besoins ont tout bouché, alors amour, dans le même canal vient nous déboucher ça, plus ou moins
ainsi j’aurais besoin de l’exception Rabia pour me conforter
est-ce que finalement c’est ça, le moment rabia’h ?
il est dit qu’elle ne recule pas devant… nous n’irons pas jusqu’à dire le sacrilège mais enfin, avec elle, la tradition est bousculée (une tradition d’à peine cent ans)
j’aime beaucoup sa façon de vouloir mettre le feu au paradis et de noyer d’eau l’enfer : ni récompense ni punition, au nom de quoi elle aimerait qui elle aime
j’aime bien sa façon de railler les hommes dans leur paradis avec leurs femmes
je crois que ce qu’on appelle le moment Rabia c’est ce moment de transgression
le besoin que nous avons l’un de l’autre nous pouvons le mettre en veilleuse
dieu est un moment pour sentir ça, peut-être, je ne sais pas
mais comme tu bascules dans le besoin de dieu, tu ne sors pas du goulot, tu ne danses plus
soudain j’ai une perception hyper-égalitaire de l’abstinence masculine et féminine au cœur de toutes les mystiques
la femme n’est pas plus victime que l’homme qui sacrifie l’exercice relationnel de son corps pour aller à une relation libérée
je n’ai pas beaucoup d’estime pour les administrateurs de foi et d’idéologie
seul.e.s comptent les existences mystiques transgressives, non
trangression reste un mot qui organise le champ de la loi, de la règle
il n’y a pas grand sens à transgresser un besoin, le besoin qu’on a l’un de l’autre
ni à le nier
bien sûr que j’ai besoin de toi
là où je me suis complètement trompé, c’est d’avoir cru que j’avais ce besoin à satisfaire afin de vivre ma vie une et indivisible
est-ce que je ne décris pas ici la kabaa du capitalisme ?
nous n’avons pas à nous nourrir les uns les autres, les uns des autres
nous n’avons pas ça, cette perspective, passée future, en alpha omega de notre vie, si beau que ce soit quand nourrir se déguise en spiritualité et si impérieuse que soit la nécessité de venir à bout de la faim dans le monde
alors qu’est-ce que nous avons à faire ensemble ?
nous avons à danser, nous avons à organiser nos vies pour danser, pour apprendre à danser, et danser ici ne veut pas dire un corps seul ou en groupe, duo étant début de groupe, nous ne voulons pas dire que nous avons à nous transformer en chorégraphe, en une pensée divine organisant mouvement et sens, non
danser veut dire expérimenter le deux originaire du mouvement et du sens
c’est ça que j’appellerais le moment rabiah
en fait l’amour dont tu parles, toi, ébranle celui que je croyais mien et divin
il ne vient ni le conforter ni le critiquer, le réfuter
les efforts diplomatiques que nous avons à faire pour habiter ensemble sont une chose
reconnaitre l’autre comme sujet c’est long, c’est bon, mais ce n’est pas l’alpha et l’oméga de ce que nous avons à faire tous les deux
respecter nos besoins de sujets, c’est long, c’est bon
mais danser ensemble c’est autre chose
je croyais que tu avais la même croyance que moi et je te louais pour ça
en fait non, ce n’est pas du tout la même chose
mais sol et ciel sont nôtres, horizons et diagonales sont nôtres
le moment rabia c’est le moment où on se rend compte de ça
on est là ensemble et on se rend compte de ça
et notre question ce n’est pas du tout si on va se maquer ou pas, l’un avec l’autre, si on va baiser de telle ou de telle façon corps-esprit-tout-un
mais comment on va danser
comment on va réaliser, épanouir cette chose-là, cette puissance-là
tu te rends bien compte, lecteur, lectrice, qu’on est en train de profiter carrément du confinement, là
tu te dis, ils sont tous les deux, ils en profitent, au moins, ces deux-là ils ne sombrent pas dans la statistique de violence conjugale, ils esquissent une entrée dans la kabaa de la relation
ça me fait de belles jambes à moi qui suis seul.e
qu’est-ce que vous répondez à ça ? rien
je me dis que le moment rabia est parfaitement valable pour toi aussi, nonobstant le danger un peu plus prononcé de basculer – dans la folie, dans la religion, dans la politique unijambiste, sous prétexte de plus grande vérité ontologique
tu pourrais croire que c’est ton imaginaire qui doit prendre toute la place, ou, en ce moment, le mien parce qu’il te nourrirait correctement
comment parle-t-on, en période de confinement de la rencontre amoureuse, sexuelle ?
notre petite question de la danse, c’est-à-dire, tu l’as compris, du tango, même si même si même si
se loge pile poil dans la foulée
on peut bien se projeter dans vingt ans et voir que tous et toutes nous aurons notre petit robot sexuel pour vie confinée
et nos besoins plus ou moins satisfaits
le ou la partenaire que tu vas chercher, d’abord pour baiser peut-être puis pour danser vraiment…
(après tout, abstinence et luxure peuvent tous deux coûter cher ou rapporter gros ou pas être pour grand-chose finalement dans le dessin en cours de la vie
les emmerdements sexuels de l’église sont quand même relous et la pornographie machinique capitaliste un boulet)
dans vingt ans donc, nos besoins seront tout autant la veilleuse de nos existences quand notre sujet principal sera comment exercer notre danse, notre relation
le moment Rabia existe en toutes circonstances
le moment Rabia est une fiction bien sûr
mais qu’ici l’histoire se réécrive, ça n’est pas rien
si l’histoire du tango est incontestablement lié à l’histoire masculine d’un masculin perclus d’exil
le tango est aussi l’histoire – dans ce moment, grâce à ce moment Rabia – de l’extraordinaire exil féminin, véritable éclair d’intelligence avec quoi danser